
L'Europe sans le gaz russe
L'UE a franchi une nouvelle étape technique vers l'élimination complète du pétrole et du gaz russes d'ici 2028, les ambassadeurs de l'UE ayant officiellement soumis la proposition aux États membres pour examen, selon Reuters. Les détails devraient être réglés lors d'une réunion ministérielle avant le vote du 20 octobre.
- La grande nouvelle est que l'UE a vaincu les "dissidents du gaz". La Hongrie et la Slovaquie, toutes deux dépendantes du pétrole russe, se sont opposées à l'interdiction. Toutefois, la proposition ne requiert qu'une majorité qualifiée des membres de l'UE, de sorte que leur position n'a pas d'impact.
- Les détails techniques doivent être approuvés d'ici le 20 octobre. L'une des questions est de savoir comment l'UE peut vérifier que le gaz, en particulier le GNL, n'est pas d'origine russe. La proposition consiste à mettre en place un mécanisme de double garantie : approbation préalable de la cargaison, puis examen douanier à l'arrivée dans le port. La France et l'Italie proposent l'un ou l'autre, jusqu'à ce que le système soit opérationnel.
- Ce document obligera tous les pays à cesser les importations de pétrole et de gaz à court terme d'ici juin 2026 et à mettre fin aux accords à long terme d'ici janvier 2028. Ce dernier point s'applique spécifiquement à la Hongrie et à la Slovaquie.
- La décision de mettre fin aux importations de GNL à long terme d'ici à janvier 2027, prise en tenant compte des États-Unis, sera officialisée séparément.
Pourquoi c'est important
La décision d'accélérer le calendrier d'abandon du gaz russe est importante en soi. Mais le passage d'une approbation unanime des 27 membres de l'UE à une majorité qualifiée - au moins 55 % ou 15 pays représentant au moins 60 % de la population de l'Union - est encore plus important. Il a été possible de suivre cette voie parce que la question a été classée comme une question commerciale et non comme une question de politique étrangère. Cela signifie que la Hongrie et la Slovaquie ne peuvent pas exercer leur droit de veto, comme elles l'ont fait à plusieurs reprises lors de votes sur les sanctions contre la Russie (qui sont considérées comme une question de politique étrangère).
Les dirigeants de l'UE et les pays les plus importants plaident depuis longtemps en faveur d'une modification du processus de vote sur les sanctions. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a plaidé tout récemment en faveur d'un changement dans son discours d'ouverture en septembre. Sous les applaudissements d'une partie du public strasbourgeois, elle a appelé à briser les "chaînes de l'unanimité" sur les questions de politique étrangère.
Officiellement, l'UE dispose d'un mécanisme permettant de passer au vote à la majorité qualifiée : les clauses dites "passerelles". Toutefois, ces clauses n'ont jamais été invoquées depuis la dernière modification des traités de l'UE par le traité de Lisbonne, entré en vigueur en 2009. En vertu de l'article 48, paragraphe 7, du traité UE, il est possible de modifier le mode de prise de décision de l'Union sans amender formellement ses traités fondateurs (un processus ardu et hautement politique que Bruxelles ne souhaite pas).
Toutefois, le passage au vote à la majorité qualifiée nécessite d'abord une approbation unanime. Cela signifie que tout pays craignant que le passage au vote à la majorité qualifiée n'annule son droit de veto peut tout simplement bloquer ce changement. En outre, les parlements nationaux, et pas seulement les dirigeants, disposent d'un délai de six mois pour opposer leur veto à tout changement. En résumé, il sera extrêmement difficile de priver la Hongrie de son pouvoir de blocage. À l'heure actuelle, cela signifie qu'elle conserve sa capacité à contrecarrer toutes les décisions politiques, de sécurité et de politique étrangère prises par l'Union européenne, y compris la quasi-totalité des sanctions contre la Russie et l'adhésion future de l'Ukraine à l'UE.
Pourquoi le monde doit-il s'en préoccuper ?
Le gaz russe représente encore 12 % des importations de l'UE. Le gaz continue d'être acheminé par le gazoduc Turkstream et, depuis l'invasion de l'Ukraine, le commerce du GNL est monté en flèche. La France, l'Espagne, la Belgique et les Pays-Bas sont les principaux acheteurs, y compris pour les échanges avec l'Italie. L'UE a calculé qu 'en 2024, les États membres dépenseraient plus pour l'achat de gaz russe que pour l'aide financière (mais pas militaire ou humanitaire) à l'Ukraine : environ 22 milliards d'euros contre 19 milliards d'euros.
L'adoption d'une décision qui va à l'encontre des positions de la Hongrie et de la Slovaquie montre que l'UE est prête à chercher des moyens de contourner les vetos tactiques de ces pays et de réduire leur capacité à bloquer des décisions importantes. Cela réduit les risques de voir un pays voter contre la prolongation des sanctions à chaque révision semestrielle, ce qui pourrait les annuler complètement. Officiellement, cette possibilité est toujours d'actualité, mais les dirigeants de l'UE démontrent leur volonté de la contrer. Si les politiciens russes comptent sur un veto de la Hongrie, de la Slovaquie ou d'un autre pays pour débloquer les avoirs de la Banque centrale, cet optimisme est profondément infondé.


